Tuesday, May 31, 2011

Kankan

Un Atelier à Kankan – Haute Guinée


Au programme de la semaine dernière nous avons eu un atelier sur « la démarche d’un diagnostique et l’élaboration d’un questionnaire adapté au contexte des fédérations de paysan(ne)s agricoles » à Kankan qui est dans la région de la Haute Guinée – le pays des malinkés. Le climat et le paysage de cette région sont très semblables au Burkina Faso (savane arborée) – alors il fait super chaud – mais il fait chaud aussi pour ceux qui viennent des autres régions assister à cet atelier – ce n’est pas seulement la foté (blanche) qui transpire mais les foré (noir) aussi.




En début de semaine j’ai préparé des outils pour l’atelier – jeudi le 26 mai nous sommes partis pour un retour dimanche le 29 mai et l’atelier c’est tenu le vendredi et le samedi – le pourquoi que mon blogue est un peu en retard. Hier je croyais être capable de me reposer mais pas question - il fallait produire un guide diagnostique, une note technique de diagnostique, une grille d’analyse et une grille d’évaluation – selon les travaux produits en atelier - et mon homologue n’est pas disponible car il est en mission sur le terrain.

Je dois dire que les 2 jours d’atelier ont été une expérience très enrichissante pour moi – à voir les jeunes techniciens (les personnes en administration sont des techniciens) se mettre à la tâche de façon sérieuse et énergique. Ce qu’ils devaient accomplir en 2 jours n’était pas une petite tâche et j’ai été vraiment impressionné. Il est vrai que des ateliers ils sont habitués – ils ont tous reçu des ateliers de formation ad nauseam – mais cette fois-ci ils devaient produire eux-mêmes les outils qu’ils vont utiliser sur le terrain et ce n’était pas si mal.


Par contre pour faire les 2 jours d’atelier il a fallu se déplacer de 700km – soit 12 heures de route. On m’avait avisé d’être prête pour 8h du matin mais comme toujours il y a eu des retards et on est venu me chercher au bureau à 11h. Ensuite il fallait acheter des bidons pour du gazoil (diesel) et les faire remplir car pénurie de gazoil à Kankan. Ensuite il fallait aller chercher une cinquième personne qui se joignait à nous pour le déplacement. Nous sommes partis de Conakry à 13h00 pour arriver à Kankan à 1h du matin. Pendant tout le voyage nous sommes arrêtés qu’une seule fois, et moi j’avais la place de choix, en arrière au centre entre deux qui sentaient le swing. Durant les 14 h en voiture on a eu peut-être 1h de conversation en français – la balance en soussou. De plus les routes sont vraiment dangereuses et on avait un cowboy comme chauffeur donc impossible de fermer l’œil. Je considère que nous sommes chanceux d’être arrivé sain et sauf.

Le retour était sensiblement la même chose (700 km) mais nous n’étions que 4 dans la voiture – donc je suis près de la fenêtre et moins tassée. Nous sommes partis à 8h de Kankan, avec tout de suite de la musique disco africaine sur cassette et en mode « repeat » - pour rentrer à Conakry à 20h. Voyager le jour j’ai pu vraiment apprécier comment les routes sont dangereuses. Non seulement il y a des grandes sections de la route nationale qui sont pleins de nids de poule (en fait plutôt de cratères) mais en plus on partage la route avec les bœufs et les chèvres donc il faut faire du 130 km/h à du 0 km/h dans l’espace de 2 secondes. Les éleveurs de troupeaux préfèrent la route que les pistes peu importe le danger à la vie humaine. Les voitures en pannes sur la route sont parfois dans une courbe – donc on ne les voit pas mais il faut les éviter à 100 km/h en espérant qu’une autre voiture en sens inverse ne passe pas en même temps. Quand on est pris en arrière d’un camion qui fait 60km/h on prie le bon Dieu que la voie va être droite sans trafic à sens inverse car le chauffeur lui dépasse coûte que coûte. Les motocyclistes et les piétons se déplacent à leurs risques et périls – car même si la rue est bondée de monde parce que c’est la journée du marché c’est leurs problèmes – le chauffeur passe à 60km/h – c’est à eux de se tasser et vite SVP.


Au retour la conversation est presque inexistante en français – et malheureusement le 5e passager n’est pas avec nous (c’est un des doyens) car la vraie personnalité des autres passagers c’est affichée – arrogant – super macho – et qui gueule tout le temps. Les peuls sont si, les malinkés sont cela, les motocyclistes sont imbéciles et ne savent pas conduire parce qu’ils ne veulent pas se tasser pour se ramasser dans un ditch etc…. UN ENFER DE VOYAGE – je suis rentrée tellement crevé. Jamais plus de voyage avec ce groupe - ça m’a tellement énervé.

Une petite conversation avec mes collègues de voyage :

Kadhafi est perçu comme un héro ici en Guinée – car il a su partager son capital avec les autres pays africains. Même si ce sont les Libyens installés en Guinée qui profitent des bénéfices du capital les Guinéens profitent aussi des infrastructures qui ont été installées. Il n’y a pas un français/européen qui en aurait fait autant. De plus la guerre civile en Libye a été initié/provoqué par les français – tout comme en Tunisie et en Égypte.

Alors je me demande pourquoi la France et l’Union Européenne investissent autant dans ce pays quand il n’y a rien de bon qu’un européen (colon) peut faire. Le plus drôle est que le salaire de ses collègues de voyage est payé justement par l’Union Européenne.

Voilà mon blogue de la semaine. Malheureusement je ne peux pas tout partager dans mon blogue comme la notion du « respect », les habitudes d’hygiènes, et la colocation – ce seront des sujets de conversations à mon retour.

Désolé pour la qualité des photos mais mon appareil est défectueux - le "shutter" (en français??) ne s'ouvre pas complètement d'ou les coins foncés.

Bonne semaine à tous.

Sunday, May 22, 2011

Bonne Fête Matthieu

Mon bébé a 25 ans aujourd’hui.

Une semaine plutôt tranquille.
Dimanche dernier Lucie et moi avons décidé de visiter un peu le pays et selon un certain guide de voyage il fallait voir la plage de Sobanè. Donc on s’informe auprès d’un chauffeur du coût du déplacement mais aussi le temps du déplacement … 1h30 ou en autre mot 90 minutes. Donc on part dimanche matin à 7h40 et on arrive à Sobanè à 13h00 ou en autre mot un peu plus de 5 heures de route.
Encore selon ce guide de voyage il y a belle plage, hôtels et restaurants – village touristique. Je ne sais pas pourquoi mais nous on a vue une plage – une petite hutte ou on loue une chambre et une dame qui était prête à nous faire à manger et au menu du jour c’était poulet et nouilles avec probablement 1 litre d’huile avec çà.
















Vue l’heure d’arrivée et le temps estimé du retour de 5 heures de route nous sommes resté à la plage 3heures en dessous d’un toit de paille car il pleuvait. En résumé on a fait 10 heures de route pour un repas de poulet, nouilles et huile sur un bord de plage sous la pluie. Mais il y a toujours quelques spectacles de la route qui sont assez cocasses. Barrack Obama ne fait pas seulement des annonces publicitaires ici en Guinée mais il a aussi une Université.








Cette semaine nous avons eu une réunion avec le bureau et tous les partenaires pour faire un compte rendu des résultats de l’année qui vient de se terminer le 31 mars et donner les perspectives pour l’année en cours. Donc voici un peu le contenu de ces résultats : 6 partenaires ont bénéficié de 9 volontaires; 57 outils ont été développé; 746 femmes et 404 hommes ont bénéficié directement; 100 % de satisfaction des volontaires sur la formation pré-départ; 67% satisfaction des volontaires sur leur mandat …. Bla bla bla…. Si c’est le genre de résultats sur lesquels on fait du monitoring il n’est pas surprenant qu’il y a des problèmes avec la coopération-volontaire.

Je vous offre aussi une petite photo amusante – à tous les jours il y a une pose de 90 minutes pour manger et se reposer – mais cette journée-ci mon homologue a décidé de prendre sa sieste après la pose.











J’ai appris par contre cette semaine qu’une femme Guinéenne ne peux pas être égale à l’homme – c’est impossible, impossible. Seul un homme peut devenir Imam et prier à la Mosquée, seul un homme peut hériter de la terre familiale etc… que la notion du « genre » était une fabulation du Nord et non applicable en Afrique. Sur ce je lui ai posé la question pourquoi son organisation acceptait alors des financements du Nord qui ont tous un volet « genre » qu’il faut promouvoir? Il n’avait pas de réponse. En fait ce n’est pas la seule question que je lui ai posé, et je me suis aussi permise certains commentaires que je ne répèterai pas ici mais pour ceux/celles qui me connaissent un peu vous pouvez imaginer.

La grande nouvelle ici cette semaine c’est le scandale de DSK car de 1) il était le candidat favori pour ce présenter pour la gauche aux élections présidentielle de la France l’année prochaine et 2) c’est une femme guinéenne qu’il aurait présument agressé à NY. Donc ici on parle beaucoup que c’est un complot pour l’éliminer de la course présidentielle – ou bien comment une femme guinéenne peut faire descendre un homme avec autant de puissance (car ici les femmes n’ont pas beaucoup de droit comme vous le savez). C’est vraiment toute une histoire ici.

J’apprends aussi petit à petit la politique ici en Guinée. Il y a 4 régions naturelles en Guinée et avec ces régions vient aussi 4 ethnies majeures dont les Soussous qui sont en basse Guinée (Guinée maritime), les Malinkés qui se trouve en Haute Guinée, les Peuls en Moyenne Guinée et les Forestiers en Guinée Forestière. Les Forestiers sont pour la plupart soit chrétien ou animiste mais les 3 autres ethnies sont majoritairement musulmanes. Mais le problème est qu’entre ethnies ils ne se supportent pas toujours très bien et particulièrement les Peuls, qui représentent 40% de la population, sont présentement mis à l’écart. En fait il y a pas mal de racisme et donc parfois les tensions deviennent évidentes mais il y toujours des tensions entre eux. Le pouvoir antérieur était une dictature tenu par des peuls et tous les hauts fonctionnaires étaient des peuls mais en juin 2010 la Guinée a connue ses premières élections « libres et transparentes » depuis l’indépendance et maintenant c’est un Malinkés qui est au pouvoir (Professeur Alpha Condé) – alors il y a beaucoup de remue-ménage dans les ministères ou les peuls sont remplacés par des malinkés et les journaux se demandent si le nouveau président n’est pas lui aussi un autre dictateur. C’est évident que je simplifie énormément toutes les dynamiques politico-sociales mais le calme est fragile.

J'espère qu'avec un gouverment Harper majoritaire - et Duceppe parti - que la situation au Canada ne se détériore pas trop.

Bonne semaine à tous

Saturday, May 14, 2011

Conakry et ses surprises

Combien de polices pour créer tout un embouteillage? Réponse = 5. Dont 3 qui se parlent entre eux en plein milieu de la rue, un autre qui regarde le tout sans rien faire, et un qui lance les bras dans les airs dans tous les sens criant aux motoristes de tout les sens d’avancer tous en même temps dans un croisement de 5 rues.
Mon petit chemin pour aller travailler – quelques petits feux pour éliminer les ordures mais créer un peu (beaucoup) de pollution de l’air – ou bien pas de petits feux et on accumule les ordures. Les deux options ici sont un peu tristes.



Aussi une petite annonce sur le bord de la route typiquement africaine – du n’importe quoi pour faire de la publicité des Immeubles Fawaz – avec en vedette Barrack Obama (mais je me demande s’il est au courant?)






Une bonne semaine de travail – pour l’instant je me sens bien acceptée et je sens que les gens sont encore motivés pour renforcir leurs capacités de gestionnaire mais on n’a pas encore vraiment commencé à travailler et y en a du travail à faire – je souhaite qu’ils ne s’épuiseront pas trop vite. Ils sont très bons à développer des projets de financement et obtenir le financement – mais vraiment faible à planifier les stratégies et activités une fois le projet commencé, et nul dans le suivi & évaluation car ils n’ont pas les outils ou même les données. Ma plus grande question étant s’il y a vraiment la volonté de faire de la gestion à la tête de l’organisation? Ça fait 3 ans qu’on leur demande un organigramme – je l’ai fait dans moins d’une heure après une discussion pour comprendre leur structure … donc il y a des problèmes et c’est l’entité qui est supposée professionnaliser et renforcir les capacités de leurs membres !!!
Mercredi à 17h00 mon taximan vient me chercher et comme tous les soirs on prend la route vers la maison et j‘observe – et ce que j’ai vue cette journée …. en plein jour, avec plusieurs personnes dans les alentours et même certaines personnes à proximité – car on est au marché Madina – le plus grand de Conakry, un couple qui faisait l’amour en –dessous du viaduc et monsieur le cul en l’air et les pantalons aux genoux. Si moi j’ai vu ça de l’auto qui passait à 60 km il y a quelques centaines de personnes qui l’ont vu en marchant – j’aurai tout vu ici à Conakry.

Jeudi – petit tour à la banque pour voir si mon argent est arrivé du Canada car ça fait 4 semaines que j’attends que ma banque réussisse à me transférer de l’argent – jusqu’à date c’est un échec total car toujours pas d’argent. Mais le déplacement a été éducatif – il y a une section de la route (une intersection) d’environ 5 mètres qui est interdite à la circulation, direction centre ville, le matin et mon taximan a pris cette route car ça lui évite un très grand détour et le temps perdu dans les embouteillages. Donc de fait, arrivé à l’intersection en question, il se fait arrêter par un gendarme qui lui dit de rebrousser chemin. Il en était pas question et très poliment le taximan remet au gendarme un petit cachet de 3000 FGN (bien caché) pour le passage – ça pris 3 secondes (au lieu de 20 minutes de détours etc.) et on a eu le droit même à un petit sourire du gendarme. Je ne sais pas si les autres voitures qui nous suivaient ont rebroussé chemin?

Une sortie du vendredi soir : une boîte de nuit grande comme ma main à deux pas de la maison ou on peut danser à une musique des années 80-90 et parfois quelques « tounnes » africaines pour se faire aller les hanches. Ensuite une fête de quartier (mais je n’ai pas ma caméra car je ne savais pas que c’était à l’agenda) ou il y a un petit spectacle d’une jeune troupe de danse et ensuite un trop grand spectacle des deux animateurs de la soirée qui s’improvisionnaient comme des Rappeurs alors heureusement nous avons quittés pour en fin de soirée se retrouver dans un petit bar, cette fois-ci au coin de la rue, pour prendre une petite bière avant de se coucher- ou on s’assoie avec des hommes « intellectuels » pour discuter (ou sont les femmes??)– après un petit compliment que tu as un beau sourire on te demande si jamais tu as fait l’amour avec un Africain car il semblerait que c’est à ne pas manquer. Tout ça dans un périmètre d’environ 25 mètres – et je me demandais souvent, assise sur la terrasse de la maison bien entourer de murs, pourquoi le quartier était si bruyant ….

Et le samedi c’est la lessive et le ménage






– un peu de lecture et bien sur écrire mon blog.

Sunday, May 8, 2011

Monnè, outrages et défis de Ahmadou Kourouma

Je n’ai pas grand chose à dire cette semaine au niveau de ma routine boulot/dodo sauf que j’ai fini de lire le livre en titre – une satire de la colonisation de l’Afrique par les Blancs dont voici quelques extraits :


« …La semaine prochaine, un Blanc tiendra un comptoir à Soba. Chacun pourra y échanger son or et ses ivoires contre des billets de banque et des pièces de cuivre. C’est cela, l’argent du Blanc, qui aura cours dans toute la Négritie et remplacera vos cauris et pièces d’or. L’argent sera dur à acquérir pour un Noir; impossible pour un Nègre fainéant.»

« … Comme le besoin d’évoluer n’a jamais résidé dans la tête du Noir, il faut l’amener à vouloir la civilisation, à rechercher l’argent plus que le gibier, plus que l’amitié et sa fraternité, plus que les femmes et les enfants, plus que le pardon d’Allah. Et pour cela le Blanc a deux lois …. La première s’appelle l’impôt de capitation. Il sera demandé à chaque chef de clan de s’acquitter d’un impôt pour chaque membre du clan qui prend et lâche l’air. Cet impôt est l’impôt du prix de la vie … Soumaré démontra comment les chefs qui n’avaient pas d’argent parviendraient quand même à payer l’impôt du prix de la vie. Ils seraient enfermés dans des cases où on les enfumerait avec du piment et, si la toux ne parvenait pas à leur arracher l’argent, on mettrait des braises sous leurs pieds et dans leurs mains … Avec le piment et le feu ils vendront leur or … s’ils n’ont pas d’or, ils se sépareront de leur bétail; s’ils n’ont pas d’animaux, ils vendront leurs filles, leurs femmes, leurs cache-sexe. Tout le monde doit savoir qu’il est préférable de consommer de son totem plutôt que de refuser de payer l’impôt de capitation. Allah pardonne; le Toubab, jamais, au Nègre qui ne s’acquitte pas de son impôt. »

« … La deuxième loi du Blanc est la recherche du confort. Le Blanc « nazara » n’hésite pas à faire le bonheur de l’autre quand même celui-ci ne le désire pas. On ne circoncit pas sans mutiler et faire saigner. Les bienheureux seront les indigènes qui après le paiement de l’impôt de capitation auront de l’argent de reste pour se procurer du confort! Ils pourront se civiliser en achetant au comptoir : des miroirs, parapluies, aiguilles, mouchoirs de tête, plats émaillés et des chéchias rouges avec des pompons, plus belles que celles des tirailleurs … La France n’institue pas d’obligation pour les indigènes sans leur donner les moyens de les satisfaire. Pour gagner de l’argent, trois besognes sont offertes aux Nègres … La première besogne est le labour et la cueillette des produits de rente. Il sera demandé à chaque chef de clan, en même temps que l’impôt de capitation et avec les mêmes soins (c’est-à-dire avec le feu et le piment), de vendre au Blanc qui tient le comptoir des mesures de coton, d’arachide, de karité et de gomme. Celui qui n’a pas les quantités les aura quand même …. Les travaux forcés étaient la deuxième besogne qui permettait aux Noirs d’entrer dans la civilisation. Les réquisitionnés iraient travailler pendant six mois dans les mines, les exploitations forestières et agricoles des Blancs. Les travaux forcés n’étaient pas l’esclavage : les travailleurs seraient nourris, logés, vêtus et rémunérés. À leur départ, ils auraient un couvre-pieds; au retour, un pécule, c’est-à-dire de l’argent, qui leur permettrait de s’acquitter de l’impôt de capitation et d’acheter des miroirs et des aiguilles; autant de choses qui civilisent … la troisième besogne, la virile, la meilleure. Vous entrerez dans les tirailleurs … Les tirailleurs appartiennent aux bienheureux qui seront à l’ombre pendant tout le règne du Blanc. Vous serez les mieux nourris, les mieux logés, les mieux payés. Vous pourrez arracher aux autres indigènes leur nourriture, leurs bêtes et leurs femmes. Ce ne sera pas un péché : Allah pardonne les fautes commises par les hommes qui ont les armes et le pouvoir … »

« … Nous, les Noirs, nous avons été mal fabriqués : il faut nous chicotter au rythme des tam-tams pour nous faire travailler. C’est à se demander si Allah ne nous a pas créés après les autres races et par dérision. Ces dernières réflexions ne sont pas des dires du Blanc; elles sont mes propres exégèses…. »

« … - Merci, s’excusa Héraud, je ne veux ni de sang sûr, ni d’excisée : c’est Miriam que j’aime, désire et veux, et pas une autre.
- Mais une femme ne s’aime jamais avant, répondit le vieillard étonné. Une femme s’aime après un long usage, après qu’elle s’est montrée suffisante à notre service, après que ses calmes et humanismes ont valu plus que ceux des autres femmes, après qu’elle s’est révélée plus chaude que les autres. »

« … Ceux de Soba comme tous les Africains plus tard vivront l’ère des présidents fondateurs des partis uniques, dont certains décrèteront que tous les habitants du pays sont membres du parti et prélèveront comme la capitation des cotisations qu’ils feront encaisser sans attribuer ni carte ni acquit. Avec les fonds jamais comptabilisés ou contrôlés, au nom du combat sacré pour l’unité nationale, de la lutte contre l’impérialisme, le sous-développement et la famine, ils se construiront des villas de rapport, entretiendront de nombreuses maîtresses, planqueront de l’argent en Suisse et achèteront en Europe des châteaux où ils se réfugieront après les immanquables putschs qui les chasseront du pouvoir. Cette pratique, qui veut vivre en paix en Afrique, comme le boa sacré du village dormant dans le creux du baobab sacré, doit éviter de la dénoncer …. Le succès du progressisme fit les grandes manchettes des journaux d’Afrique et de Paris. Les éditorialistes constataient son avance et le recul du marxisme grâce au dynamisme du nouveau chef et à la foi des populations en Allah. L’Islam restait le meilleur antidote contre le communisme athée. »

« … Nous ne gagnâmes jamais chez nous; tous ceux qui moururent en mâles sexués furent oubliés. Ce furent les autres, ceux qui se résignèrent et épousèrent les mensonges, acceptèrent le mépris, toutes les sortes de monnew qui l’emportèrent, et c’est eux qui parlent, c’est eux qui existent et gouvernent avec le parti unique. On appelle cela la paix, la sagesse et la stabilité.
C’est là une des causes de notre pauvreté et de nos colères qui ne tiédissent pas. Le sous-développement, la corruption, l’impudence avec laquelle sont employés les mots authenticité, socialisme, lutte et développement, cet ensemble de mensonges et de ressentiments, qui révoltent, ont des causes profondes et nombreuses. Le jour qu’il nous sera permis de dire et d’écrire autre chose que les louanges du parti unique et de son président fondateur, nous les compteront et les conterons. »

« …La Négritie et la vie continuèrent après ce monde, ces hommes. Nous attendaient le long de notre dur chemin : les indépendances politiques, le parti unique, l’homme charismatique, le père de la nation, les pronunciamientos dérisoires, la révolution; puis les autres mythes : la lutte pour l’unité nationale, pour le développement, le socialisme, la paix, l’autosuffisance alimentaire et les indépendances économiques; et aussi le combat contre la sécheresse et la famine, la guerre à la corruption, au tribalisme, au népotisme, à la délinquance, à l’exploitation de l’homme par l’homme, salmigondis de slogans qui à force d’être galvaudés nous ont rendus sceptiques, pelés, demi-sourds, demi-aveugles, aphones, bref plus nègres que nous ne l’étions avant et avec eux. »

UN LIVRE À LIRE ISBN 978.2.02.034964.2 Éditions du Seuil 1990.

Bonne semaine à tous.

Sunday, May 1, 2011

Le Foutah Djallon

Cela fait 4 semaines que je suis en Guinée-Conakry et j’ai eu l’occasion de voyager un peu dans le pays pour assister à l’assemblée générale ordinaire de la Confédération des Organisations Paysannes de la Guinée.


Nous sommes partis de Conakry à 11h00 et pour faire une distance de 420km cela nous a pris 8h30min – soit environ une vitesse moyenne de 50km/heure – ça vous donne une idée de l’état des routes???? Et nous étions sur une des grandes routes nationales du pays avec un 4x4 Toyota presque neuf donc super bien équipé pour faire le voyage(et un très bon chauffeur Boulba)

alors j’imagine ce que doit être le trajet en taxi brousse ( mini bus 1970 super chargé) ou en camion poids lourds de marchandises (et quelques passagers au-dessus de cette marchandise).
On m’avait dit que le paysage est super beau et que la température plus fraiche qu’à Conakry – et c’est vrai mais il faut sortir de la ville d’abord.

Le paysage ressemble un peu au Canton de l’Est et le Vermont avec les montagnes, les vallées et les arbres feuillus (même si les espèces ne sont pas les mêmes) – et à ma grande surprise il y a même quelques pinèdes en Guinée – une importation des Français pour je ne sais pas quoi …. Mais là s’arrête la comparaison car il faut avoir des bons yeux pour voir cette belle nature – la pollution de la fumée est incroyable.



Les villages sont tous assez semblables avec leurs maisons rondes et toits en paille,




les produits maraichères à vendre sur le bord de la route et au marché, les hommes qui marchent avec le chapeau et les femmes qui les suivent avec le fardeau – d’autres hommes assis à l’ombre d’un baobab pendant que les femmes font la lessive ou prépare le repas et que les enfants jouent avec une roue ou tout autre chose qui pourrait les divertir – et il ne faut pas oublier les handicapés qui mendient pour une bouchée de pain et qui se font ignorer.
L’assemblée générale a durée 2 jours – avec quelques 50 participants/représentants des fédérations, coopératives et unions paysannes (incluant quelques femmes)

et ce qui m’a le plus marqué de ces deux jours est :
1) le protocolaire prend au moins 25% du temps avec les remerciements, les présentations du préfet et de son entourage « les très honorables blablabla », les discours tous un plus long que l’autre – au début ET à la clôture;





2) aucune, mais aucune stratégie financière ou budgétisation – des perspectives d’activités 2011 avec aucun estimé des coûts mais supportées par un manque à gagner en cotisations des membres par rapport aux besoins du support administratif de la Confédération – et la résolution, après plusieurs débats et suggestions de comment palier au déficit, est de maintenir le statut quo;
3) malgré cela c’est une organisation qui a plaidoyer fort pour avoir des sommes importantes (14 milliards de Francs Guinéen) du gouvernement pour la campagne agricole de 2011 qui permettra aux producteurs d’avoir des semences et des équipements pour labourer – c’est une organisation qui a aussi plusieurs bailleurs de fonds pour supporter les activités de renforcement des capacités et de micro projets des agriculteurs. C’est impressionnant ce que ce regroupement de paysans a réalisé.
Voilà ma semaine – je suis rentrée hier épuiser du voyage à 50km/heure, de la route 2 fois sinueuses car de sa nature la route est zigzagante dû aux montagnes mais aussi à cause des gigantesques nids de poules qu’il faut continuellement éviter.
J’espère que tout le monde se porte bien – donnez-moi de vos nouvelles.